RaymondDEVEYavait21anslorsqu'ilséjournaen1942auChantierdeJeunesseduLuitel,dépendantduGroupement12Belledonne.Plusde70ansaprèsces années marquantes, il avait raconté pour chamrousseweb.info ce pan de sa vie qui l'a durablement marqué.AvantderejoindreleChantierdeJeunesse(cettestructureétaituniquementenzonelibre),RaymondDEVEYavaitétévolontairepourintégreruneUnitédeJeunes Travailleurs(enzoneoccupée),cequipouvaitluiéviterleS.T.O.en Allemagne.IlavaitalorsparticipéàdestravauxdereconstructiondepontssurlaMarne,puisdu forestageenSeine-et-Marne.AprèssonpassageauChantierdeJeunesse,ilallas'engagerdansuneUnitédeJeunesTravailleursàSaint-Gobain,dansl'Aisne.Là, son activité fut loin d'être de tout repos, en particulier lorsqu'il devait intervenir pour secourir les victimes des bombardements en 1943 et 1944.LetextequevousallezdécouvrirsurleChantierdeJeunesseauLuitelaétéécritparRaymondDeveyenaoût2013(seulsajoutsdusite:quelquesrenvois explicatifs). Les photos en noir et blanc ont été mises à disposition par l'auteur. NousavionsadressétoutenotrerespectueusereconnaissanceàMonsieurDeveypouravoirtémoignésurcetépisodeméconnudelaSecondeGuerreMondiale. Raymond Devey, qui avait pris sa retraite à Ercuis (Oise), nous a quittés le 24 juin 2016.
en bleu : la zone libre (jusqu'au 11 novembre 1942)
Raymond Devey, au Luitel en 1942
Photos ci-dessus : 2 de gauche : les baraquements et le lac Luitel en 1942 ; celle de droite : il ne reste plus à présent que les soubassements des baraquements
Témoignage de Raymond Devey
CHANTIER DE JEUNESSE N° 12NotreséjouràLumigny1etlesproblèmesquenousyavionsrencontrés,noschefsetmoi,m’avaientconfortédansl'idéedetrouverautrechose.Lapériodedes travauxditsintéressantsétaitterminée.J'avaismaintenantunposteenviable,desresponsabilitésetjen'étaispasloindemondomicileparisien.Maisilyavait toujours la menace du S.T.O.2 et j'ai voulu, sans attendre une convocationpossible, me lancer dans une nouvelle aventure.LesCHANTIERSdeJEUNESSE,enzonelibre,créésen1940parleGénéraldelaPorteduTheilétaientmaintenantbienaupoint.Lesdébuts,souslatente,un mauvaissouvenir.VoulantconnaîtreunerégionplusaccidentéequelaSeine-et-Marne,jefixaismonchoixsurleGroupement12BELLEDONNEsituéprèsde Grenoble.Maisilfallaityparvenir.Lesraresinformationsconcernantlepassagedelalignededémarcationquipouvaientmeparvenirétaientloind'êtrerassurantes.Quandil s'agitdesauversaviecommecelaaétélecasd'untrèsgrandnombredegens,ilfautalorsletenter.Maismesmotivationsd'uneviedifférentenejustifiaientpasce voyage scabreux. J'aurais pu continuer mon activité à LUMIGNY où j'avais une réelle sécurité et un confort matériel appréciable pour l'époque.J'eusalorslachancederencontrerunami,uncompagnonquisouhaitaittenterl'expérience.Jepensequ'ildevaitappartenirànotreGroupemaisjen'ensuispas absolumentsûr.Ilvoulaitserendredanslesud-est,pasobligatoirementdansunChantierdeJeunesse,etladirectiondeCHALON-sur-SAÔNEnousconvenaitàtous les deux. Ce que je n'aurai pas osé faire seul, et lui peut-être aussi, devenait possible par notre union.70ansontpassé.J'airenoncéàrecherchersonnom.CettejournéesurlesbordsdelaSaône,notreentente,puisnotreengagement,nospeursetnotreréussiteont celé un souvenir qui reste en moi.CHALON-sur-SAÔNE-Notrevoyageenchemindefers'achève.LaGaredeCHALONesttrèsmilitarisée.Villeenlisièredezones,l'arméeallemandeymanifeste saprésence.Danslasalled'attenteunecloisonmarquelapartitiondupayspar2sallesdistinctes,l'unepourlazoneoccupée,l'autrepourlazoneencorelibre.Ilya des soldats allemands partout, dans les bâtiments et sur les quais. Nous préférons quitter très vite ces lieux peu hospitaliers.CesontlesbordsdelaSaônequinousintéressentetlespossibilitésdepassagedel'autrecôté.Notredécisionesttrèsviteprise:barqueetmêmenagesontexclus.Il reste les ponts.LePontdesChavannesestnaturellementàéviter.Ilahéritéd'uneguéritequiabrite,defaçonconstante,unesentinelleallemande.Lesfrontaliers,ceuxquiontleur travail de l'autre côté de la Saône l'utilisent chaque jour en présentant leur laissez-passer. Ce n'est pas notre cas.Nous cheminons sur les quais de la rivière, et au loin en aval, nous apercevons un autre pont. Sombre sansaucunecirculationapparente,construitenremblaiet,dece fait,passantau-dessusdelaroutequilongelefleuve.Ils'agitdupontdesDombes,àvocationferroviaire,quidesservaitlaligneChalon-sur-Saône-BourgenBresse. Le trafic a été arrêté et une grande porte en bois, constellée de fil de fer barbelé, a été installée en son milieu, probablement par les allemands.Cetouvraged'arts'avèreleseulpossibleetlachanceestavecnous.Nousrencontronssurlesquaisdeuxouvriersquihabitentàcôtéetquitravaillentchaquejourà Saint-Marcelsurlariveopposée.Ilsnousengagentàpasserlepont,àlanuittombée,enprenantbeaucoupdeprécautions.Pourfaciliternotreéquipée,ilsprendrontsur leursbicycletteslessacsquicontiennentnotrepetitbagageetilsnouslesrendrontàl'entréedeleurusine,lelendemainmatin.Ilspassentsansproblèmescomme habitants frontaliers. Merci encore à eux de nous avoir apporté ce service qui a rendu plus facile notre tentative.Lesheuresontpassé,trèslonguesàattendre.Nousmontonsleremblaiquimèneauxvoiesetabordonslapremièrepartiedel'ouvragejusqu'àcetteportequinousparaît monumentale.Pourlafranchirilfautlacontournersurlecôté,enévitantlebarbeléquidépassedepartout.Laporteestenfinderrièrenous,c'estunecourseéchevelée vers l'autre rive. On a réussi !!!Nous arrivons dans le village de Saint-Marcel et une surprise nous attend. Dans la nuit noire, au milieu de la route un gendarme est assis. Nous ne devons pas être les seuls qui, chaque jour, tentent de passer mais il prendra seulement nos identités. Nous finirons cette journée mémorable au poste de police pour une nuit très réparatrice.Lelendemain,aprèsavoirrécupérénospetitsbagages,nouspartonspourBourg-en-BressepuisensuiteversGrenoble.Moncompagnonm'aquittéàLyon.Jeneme rappelle plus si j'ai mangé, quoi et où.AlagaredeGrenobleilyaunbâtimentpouraccueillirceuxquiarriventd'unpeupartoutetilssonttrèsnombreuxdanslaFrancede1942.Nouvellenuitimprévuemais tranquille. Demain ce sera le début de ce que j'attends depuis longtemps.LE PEAGE de VIZILLE- La Direction du Groupement « BELLEDONNE » est à Péage de Vizille à une quinzaine de kilomètres de Grenoble . Je viens m'engager pour une périodede8moisquiestladuréenormalepourlesjeunesgensquifontceserviceciviqueenzonenonoccupée.J'espèrequeleschefsquiontrédigémoninscriptionont pu remarquer et apprécier 2 choses :- ma détermination à venir vivre volontairement dans des conditions qui seront très difficiles dans cette Unité sans y être contraint comme mes camarades ;-mesétatsdeservicedanslesU.J.T.pendant15moispourdestravauxdereconstructiondivers:ponts,forestage,etc.MaislesUnitésdeJeunesTravailleursdezone occupée avec leur recrutement de jeunes volontaires n'étaient pas connues de l'autre côté de la ligne qui coupait en deux la France.J'aiétéaffecté,avecmonpaquetage,aucamp9duLacdeLuitel(1260mètresd'altitude)danslemassifdeBelledonne.Pouryaccéder,retouravecletramwayjusqu'à Uriage-lesBains3. De cette petite ville, on monte vers Chamrousse en passant par le Lac de Luitel.Jeneconnaissaispasalorslescheminsraccourcisetj'aimontéinterminablement,souslesoleil,cetteroutesinueuse.Enfind'après-midij'aidécouvertcepetitlacqui allait,pendantdelongsmois,êtreletémoindemanouvellevie.Froid,sombre,inquiétant,oùjen'aijamaisvuquelqu'unsebaigner,ilétaitentouréd'unequinzainede baraquements pour un effectif qui devait être de 80 jeunes environ.Jedéposaismonlourdpaquetagedansceluiquim'avaitétédésigné.Jefisconnaissancedemanouvelleéquipe.Tousm'onttrèsbienaccueillimaisaufonddeleurs penséesilsdevaientsedemanderpourquoijevenaisvolontairementpartagercettevie,trèsrudeaudemeurant,alorsquejen'étaispasobligédelefaire.Eux,parcontre, effectuaient un service civique obligatoire et le désir de le voir se terminer au plus tôt revenait sans cesse dans leurs conversations.Ilsn'avaientqu'unevagueidéedecequ'étaitl'occupationallemandedansl'autrezone.Ilyavaitcerteslesjournaux,lesactualitésaucinéma,laradiodeVichyoude Londresquandonpouvaitl'écouteravecprudence.MaisIlsneconnaissaientpas,parcontre,laprésencephysiquedel'occupantsepromenantdanslesrues,lamainmise debâtimentspublicsouprivéspourlesbesoinsdesonarmée.Desarrestationsetdesmenacesquifaisaientfuirverscettezoneencorelibredeshommesetdesfemmes dontlavie était en jeu, ils ne savaient pas grand-chose. Ils n'étaient pas à cette époque soumis à l'obligation du S.T.O. en Allemagne pour les natifs, dont je faisais partie, de 1921,1922 et 1923 vivant dans l'autre zone.Lerecrutementdenotreéquipeétaitsavammentdosé.Unpeudelyonnais,unpeudesavoyardsetunpeudegarçonsdelaDrôme(lesdromadaires).Lessavoyards me paraissaient les mieux nantis au vu des colis qu'ils recevaient de leurs familles.Lesabordsdupetitlacavaientétédégagéspourpermettrel'installationdesbaraquementsnécessairesauxdortoirsetauxservices.Unecabinetéléphonique permettaitlaliaisonconstanteaveclePCetaveclesautrescampsduGroupement12.Onvivaitautourdulacmaisnousn'avionsaucuncontactaveclui.Acette époque,onignoraitsaprofondeuretlateneurdeseseaux.Beaucoupplustardlesinstanceseuropéennesledécouvrirontetellesferontconnaîtreainsil'originalité desanatureetdelavégétationrarequipoussesursesrives4.Savisite,decefait,estmaintenanttrèscontrôlée.Unchaletauborddelaroutequimèneà Chamrousse donne aux promeneurs tous les détails sur cette rareté reconnue.Notreencadrement,degrandequalité,provenaitengrandepartiedel'arméedémobilisée.L'AllemagneavaitconcédéàlaFranceunearméede100000hommes, avecunarmementvolontairementréduit.Ilyadonceuunnombredesous-officiersetd'officiersdisponiblespourcréer,en1940,lespremiersgroupementssitués surtoutdanslesmassifsmontagneuxdelaFranceencorelibre.Letravailmanuel,lebûcheronnage,laplantationd'arbres,leterrassementsurlesroutesrestaientles dominantesdecettearméesansarmes.Ladisciplinedesdéfilésetlesalutrégulierauxcouleursvenaientencomplémentpourrappelerlesensdecettenouvelle existence.MAVIEQUOTIDIENNE-Evidemmentellen'étaitcomparableenrienavecmavied'auparavant.J'avaishéritédansnotrebaraquement,d'unchâlitenbois,à l'étagesupérieur,celuiquel'ondonneaunouvelarrivant.Letravaildelajournée,l'altitudeaussifavorisaientlesommeil.Lemoinssupportableétaitlanourriture.Elle arrivaitchaquesemaine,parmuletouparcamiondelavallée.Unedésolation.Pasdepossibilitésderecevoirdescolis.Leslyonnaismouraientdefaim,commeles parisiens.SeulslesjeunesoriginairesdelaSavoiepouvaient,detempsentemps,etavecparcimonie,nousfairegoûtersaucissonsettomespouraméliorerainsi notre ordinaire.Ilnousestarrivédefairedesbanquetsdémesurés.Jouraprèsjournousachetionstous,danslespetitsvillagesvoisins,cequenouspouvionstrouveretcelas'ajoutait ainsiauxcolisreçusparlespluschanceux.J'aivoulutenteraussiundimanchedepasserlajournéeàGrenoble.Lacuisinenousdonnaitunbifteckàfairecuireenville dansuncafé.J'aierrépendantdesheuresdanscetteville,sansbutsbienprécis.Dansl'après-midij'aireprisletramwaypourUriage,presséderetrouvermabaraque plus accueillante à mesyeux que cette ville marquée un peu par les contraintes et les difficultés de l'époque.Monretourfutdifficile.Jen'avaisprisqu'uneseulefois,lejourdemonarrivée,lecheminpouralleraulac.Jemesuisengagéunmomentdansuncheminquin'y allaitmanifestementpas.Retourprécipitéetgrosseémotion.Finalementjeretrouvaislecamp9avecbeaucoupderetardetuneréprimandepourledépassementde l'heure normale d'arrivée. Mes velléités de sorties hebdomadaires, seul, étaient maintenant terminées.LeCAMP9deLUITEL-Sonemplacementavaitétébienchoisi.Ausommetd'uncoldonnantsur2versants.D'uncôtéondescendaitversUriage-les-Bains,de l'autrecôtésurSéchilienne.Autourdulacquidonnaitsonnomaucol,desespacesavaientétécrééspourl'installationdesdiversbâtimentsetpourlesmanœuvres d'inspirationmilitairequiétaientunedesmotivationsdesChantiers.NousdépendionsaveclesautrescampsduMassifdeBelledonneduPCdePéagedeVizille. A Uriage-les-Bains, le Groupement disposait également de l'Hôtel des Alberges qui accueillait des petites convalescences et où était stockéle courrier.Pendantlapremièrepartiedemonséjourletravailconsistaàlaplantationdesapinssurdespentestrèsraidesetàlacontinuationdelavoiriesurlaroutequimonte àChamrousse.Jem'habituebienàcettevietrèsspartiatequejemesuisvolontairementimposée.L'équipeaveclaquellejevisnemeposepasdeproblèmesetle chef d'équipe Ajoux qui nous dirige est un garçon bien. En dehors du travail, aucunes visites, aucunes distractions, aucun café, aucune présence féminine non plus ....LecontactaveclaZonelibreetmesparentsrested'unegrandedifficulté.Onpeutcorrespondre,d'unezoneàuneautrepardescartespré-impriméesqu'ilsuffitde compléter. Des nouvelles brèves, sans trop de détails. Cela suffit à rassurer pour l'essentiel. L'époque est dure à vivre lorsque l'on n'est pas maître de son destin.Nous n'en sommes pas maîtres, en effet, et les événements vont nous le prouver très vite.11NOVEMBRE1942-Lanouvelleéclatecommeletonnerre.LesallemandspassentlalignededémarcationetenvahissentlaFranceentière.C'estuntournant trèsimportantpourlaviedenotrepays.LespremièresvictimessontlesAlsaciens-Lorrainsquiétaienttrèsnombreuxdansl'arméefrançaiseaprèsl'armistice.Ils doiventéviteruneincorporationchezl'ennemietbeaucouprechercherontàrejoindrelespremiersmaquisenformation.L'arméede100000hommescrééeen1940 n'existe plus.L'Allemagneoccupemaintenanttouteslesrégionsmontagneusesrestéeslibresetdanslesquelleslespremiersmaquisontétécréés.Ellealecontrôleabsoludetout leterritoirefrançais,del'ensembledesrégionsagricolesetindustrielles,desports,desaérodromes.L'accèsàlamerMéditerranéefacilitesestransportsmilitaires verslenouveaufrontnord-africainqueleGénéralRommelvientdeconstituer.Laguerrevaapporterànotrepaysetànospopulationssonlotdebombardements, souvent aussi d'arrestations, de déportations et de massacres. La Zone libre a connu 2 ans d'une paix relative mais pour elle aussi c'est maintenant terminé.PourlesChantiersjenevoispasdechangementsdansl'immédiat.Iln'yapasdetroupesallemandesdansnotrerégion.LeDauphinéetGrenoblesontoccupéspar dessoldatsitaliens.Noscampshabituellementavecuneffectifconstantvontêtreréduitsàlaprésenced'unedouzainedejeunesquicontinuerontàgarderles baraquementsdésormaispresquevides.Decefaitmesattributionsdeviennentplusimportantes.Jesuismaintenantpromuvaguemestre,unfacteurmilitaire.Chaque jour,avecunpetitsacsurledosjedescendsàUriage-les-Bainspourchercherlecourrier.Jesuisdansuneformeoptimum,jesauted'unraccourciàl'autrepourfaire cet aller et retour dans un minimum de temps. J'ai 21 ans II!Autreresponsabiliténouvelle,letéléphone.Unappareilavecdesfichesquel'onenfonceetquirelielePCdePéagedeVizilleaveclesdifférentscamps.Jene raccrochepastoujourstoutdesuiteetjeconnaisainsilesnouvellesduGroupement.Depuisquenotreeffectifestdevenutrèsréduit,ladisciplines'estbeaucoup assagie.Onnepeutpasfairedesexercicesdemarcheavecsipeudemonde.Demêmepourlestravauxdeplantationd'arbresouderéfectionderoute.Apartla levée des couleurs qui demeure immuable, nous vivons au calme dans un environnement néanmoins sans confort.LeLAITdesCHEFS-UnpeuavantcettepériodejemerendaisaprèsdînerdansunepetitefermesituéeaudébutdeladescenteducolversSéchilienne.J'allais chercherdulaitpourmeschefsetjecassaisunepetitecroûteaveccesgens,trèssympathiquesaudemeurant.MonsieurMachaut(aimeassezàchahuter,disait-il) élevaitunpeudebétailetl'étableprochedelacuisineapportaitdessenteurstrèsruralesSonépousen'étaitpastrèsféminine.Chaquesemaineelleprenaitsonmulet pourdescendredanslavalléeremonterleravitaillement.2jeunesenfantscomplétaientcettefamilleàquijedoisbeaucoup.Chezeux,chaquesoir,j'aipuenfin goûteràunecuisinedifférentedecelledeschantiers.MonsieurMACHAUTabénéficié,enretourparlasuite,dedonsdevêtementsetchaussuressurlestockde l'Intendance et il ya depuis longtemps prescription pour cette générosité non autorisée.Plus tard j'ai souvent pensé aux épreuves que cette famille aurait pu connaître à l'arrivée des maquis et aux attaques de l'armée allemande dans cette région.L'ARRIVEEdesITALIENS-Cettesituationnedevaitpasdurer.Unsoirlesilencedelanuitquitombaitcommençad'êtretroubléparungrondementquiprovenait de la vallée. Ce bruit ne pouvait être que celui de camions qui attaquaient les lacets du col.Il fallut se rendre à l'évidence. Qui étaient les visiteurs arrivant à une heure si tardive ? Et que venaient-ils faire dans ce trou perdu ? Notre attente fut de courte durée.Cen'étaitpaslaWehrmacht,heureusementetleschauffeursfrançaisquistoppaientlespremierscamionsnousrassurèrenttrèsvite.L'IntendancedeGrenoble, voulantprobablementsauverdeséquipementscivilslesapportaitaucampdeLuiteloùlesbaraquementsvidespouvaientlesstockeretnotreéquiperéduiteen assurerlagarde.Nousétionstroppeupourrangerconvenablementceschargementsdevêtements,d'uniformes,dechaussettes,desacstyroliens,dechaussuresde montagne,desemellesdecuir,etc...Leschauffeursvidaientauplusviteetceladura3soirées.Nousavionsabandonnénoschâlitspourdormirsurcestocksi précieux. Le camp 9 avait changé de nature et on pouvait espérer que cette situation imprévue allait nous apporter ensuite le calme pour la fin de notre engagement.Mais, une nouvelle fois, les événements modifièrent notre attente.J'avaisprismonservicedanslacabinetéléphoniquelorsque,quelquesjoursaprèsl'arrivéedescamionsdel'Intendancequelqu'unfrappafortementàlaporte.J'ouvris etj'euslasurprisedevoirunalpinitalien,ceuxquiontunegrandeplumesurleurchapeau.Ilétaitavecunpetitdétachement,probablementcurieuxdeconnaîtrela nature des transports que nous avions reçus. Il pensait que cela pouvait être des armes. Il fut vite rassuré en visitant nos baraquements pleins jusqu'au plafond.Maiscettevisitemodifialanaturedenotrecamp.Cessoldatsitalienss'installèrentdansl'autremoitiédenotrebaraqueinitialeoùnousnecouchionsplussouvent, séparésdenousparunemincecloisonenbois.Jedoisdirequependantlessemainesquisuivirentcettearrivéeintempestive,leurprésencesiprochenenousposa aucunproblème.Chacunvivaitdesoncôté.Ilsapportèrentmêmeunesécuritécertaineànotreéquipecarcestockimportantquenousdétenionscommençaitàêtre connu dans la région et cela pouvait susciter des convoitises.Lesoiràlanuittombée,ilsregardaientavecinquiétudelesescadrillesalliées,trèshautesdansleciel,sedirigerversl'ItalieduNord.Lesmoispassaient,lesvictoires changeaient de camp. Bientôt leur pays allait subir du Sud au Nord la loi des forces nouvelles et puissantes qui allaient libérer l'Europe.CHEFd'EQUIPE-Jenevoulaispasterminercetengagementsansavoirunpetitgrade,chefd'équipeavecles2barrettessurlapoitrine.Unstagedeformationse présentaitetjedonnaistoutdesuitemonaccord.Lepelotonpartaitàpiedspourunemarched'environunesemainedanslavalléedeGrésivaudan.Lechoixdes épreuvesétaitjudicieux.UnevisiteenpleinhiveretavecuneautorisationspécialeduMonastèredelaGrandeChartreuse.NotreisolementàLuitelquinous paraissait souvent difficile était sans communemesure avec la vie des moines dans leur univers glacé. Cette visite marqua beaucoup nos esprits.Uneopération«raquettes»aupieddanslecoldePortepuisdelonguesmarchesdanslabellevalléequivadeGrenobleàChambéry,avecchaquesoirdes couchages sommaires, complétèrent notre instruction. Ce peloton n'avait pas été une partie de plaisir mais nous pensions avoir bien mérité notre promotion.LeretouràLuitelfutl'objetdelaremisedesnouveauxgrades.Jequittaislecamp9pourterminermonengagementàl'HôteldeAlbergesàUriage-les-Bains.Je connaissaisbiencetétablissementenyallantchaquejourchercherlecourrierducamp.Monrôle,commechefd'équipefutdefaireleverlescouleurschaquematin (etdelesdescendrelesoir),d'assurerunpeud'ordreauprèsdesconvalescentsquis'ytrouvaientenpermanenceetdetrouverdesvolontairespourfairelespluches. EndehorsdecelaUriage-les-Bainsavaitunepopulationassezdisparateoùleshôtelsaccueillaientdesréfugiésdetousleshorizons.LaMiliceyavaitsonsiègeet donnait à cette petite ville balnéaire un sentiment de crainte difficile à oublier.Monengagementarrivaitàsonterme.LeGroupementmedélivrauneattestationquimepermitaprèslaguerred'obtenirdenepasfairedeservicemilitaireJ'étais venuseul,jerepartaisseul.Jeneregrettaispasmonengagement,uneviesouventdifficile,cetéloignementprolongé.Maisj'étaistoujoursenFrancealors qu'autrement les événements m'auraient peut-être envoyé ailleurs, dans un pays moins hospitalier.Jeretrouvaismesparentsetjeunesœuravecplaisir.Ilssubissaientl'occupationcommetouslesparisiensaveccourageetpatience.EnarrivantàParis,ils m'informèrenttoutdesuitequ'uneconvocationvenaitdeleurparvenirpouralleràLAONausujetduS.T.O.Lesallemandsavaientdelasuitedanslesidéesetilsne m'oubliaient pas. Il fallait une fois encore trouver la parade et retrouver mes anciens chefs.1 Village de Seine-et-Marne2 service du travail obligatoire auquel étaient astreints des centaines de milliers de travailleurs français durant la Seconde Guerre Mondiale, sur le sol allemand3 station thermale4 en 1961, le lac Luitel fut classé en réserve naturelle
RaymondDEVEYavait21anslorsqu'ilséjournaen1942auChantierde JeunesseduLuitel,dépendantduGroupement12Belledonne.Plusde 70ansaprèscesannéesmarquantes,ilavaitracontépour chamrousseweb.info ce pan de sa vie qui l'a durablement marqué.AvantderejoindreleChantierdeJeunesse(cettestructureétait uniquementenzonelibre),RaymondDEVEYavaitétévolontairepour intégreruneUnitédeJeunesTravailleurs(enzoneoccupée),cequi pouvaitluiéviterleS.T.O.enAllemagne.Ilavaitalorsparticipéàdes travauxdereconstructiondepontssurlaMarne,puisduforestageen Seine-et-Marne.AprèssonpassageauChantierdeJeunesse,ilalla s'engagerdansuneUnitédeJeunesTravailleursàSaint-Gobain,dans l'Aisne.Là,sonactivitéfutloind'êtredetoutrepos,enparticulierlorsqu'il devaitintervenirpoursecourirlesvictimesdesbombardementsen1943 et 1944.Dans un texte écrit en août 2013, Raymond Devey avait témoigné sur cet épisode de sa vie. Vu la longueur du texte, il ne peut être inséré dans la version pour les mobiles. Il est consultable depuis un ordinateur de bureau. Nousavionsadressétoutenotrerespectueusereconnaissanceà MonsieurDeveypouravoirtémoignésurcetépisodeméconnudela Seconde Guerre Mondiale. R. Devey nous a quittés le 24 juin 2016.
Photos ci-dessus : les baraquements et le lac Luitel en 1942